Le Désafio Sensas Espagne est une épreuve de pêche au coup, mixte (anglaise et grande canne) qui existe depuis de nombreuses années. La nouveauté depuis 2021, c’est une édition spéciale feeder. Très prisée des pêcheurs au coup cette version feeder est en train de devenir aussi populaire. Après avoir participé en 2022 pour la première fois, j’ai la chance de faire partie des 52 inscrits en 2023.

>> Voir ici la vidéo réalisée lors du Desafio Sensas 2022.

Un eau à 25 degrés en plein mois de janvier.

Ce concours sur 2 jours est organisé sur les berges du lac de Arrocampo au nord de la province d’Estrémadure. C’est un lac artificiel construit spécialement pour refroidir les réacteurs de la centrale nucléaire de Almaraz. L’eau est pompée dans le fleuve Taje et injectée dans la centrale via le lac avant de ressortir très chaude. Le lac avec ses eaux chaudes à longueur d’année est peuplé d’une densité de carpes sauvages impressionnante. Le Désafio se dispute donc au meilleur des pêcheurs de ces carpes de petite taille de 500g à 2,5kg. Une pêche très particulière, d’autant plus atypique pour nous Français, inexpérimentés pour ce qui est de pêcher les carpes sauvages en compétition.

Une longue route vers le sud.

1200 km sur la route, c’est le préalable à cette semaine Espagnole. Je partage à nouveau cette expérience hors du commun avec mon partenaire de club Mickael Letscher. La pêche sur ce lac est très réglementée et la disponibilité des secteurs de pêche pour la compétition est occasionnelle. Angel et Roberto Rodriguez qui organisent 2 concours Désafio par an sur ce lac pour Sensas Espagne ont ainsi un accès limité à ces secteurs. Ces limites sont posées par les gestionnaires du lac en accord avec la protection de la faune.

Des carpes kamikazes.

3 jours d’entraînements sont organisés avec les autres pêcheurs Français. Il y a 52 participants cette année dont 11 français qui vont chercher à succéder à Mickael Letscher, le vainqueur de l’édition 2022. Les entraînements confirment que ce coin de pêche est totalement unique et exceptionnel. Les carpes pèsent de 500gr à plus de 2kg et ont une énergie terrible. J’ai déjà pêché en Espagne, en Estrémadure par le passé et j’avais noté la vigueur de ces poissons sauvages (carpes et barbeaux). Mais ici, dans ces eaux, c’est encore un palier au-dessus. Les touches sont violentes et les carpes livrent un combat acharné. L’eau chaude leur donne une force considérable, chaque poisson demande au pêcheur de la force et de la maîtrise. Quel plaisir de se faire secouer de la sorte!

Objectif progression.

En 2022 je termine dans le fond du classement 42eme sur 48, l’objectif est de remonter significativement dans le classement. L’approche est très atypique, les carpes ne sont pas très grosses mais la densité est incroyable. Une carpe de moins de 1kg est capable de casser une bas de ligne 16/00 à la touche ou même ouvrir un hameçon d’ordinaire réservé aux grosses brèmes. Il faut ici réapprendre à pêcher et s’adapter à ce contexte si particulier. Mais nous Français, ne sommes pas les seuls, le coin de pêche est atypique, aussi pour les Espagnols et Portugais qui complètent le casting des participants. Même si les poissons sont présents en nombre partout, le tirage au sort des places et secteurs est déterminant comme dans toutes compétitions. Les places sur les bords de secteurs dominent généralement mais certaines ailes sont meilleures que d’autres. Pour la deuxième manche les ailes sont neutralisées et un pêcheur ne peut bénéficier les deux jours de cet avantage.

Jour 1 : Saucedilla : la course au lièvre.

Le tirage au sort me donne le numéro 45 du secteur E, à l’opposé de l’aile de secteur et en continuité avec les deux autres secteurs D et C de Saucedilla. Mon voisin n’est autre que Roberto Rodriguez, co-organisateur de l’épreuve et l’un des tout meilleurs pêcheurs Espagnol. Peu importe, je me concentre sur des objectifs personnels dans une logique de progression. Ici les poissons sont plus gros que sur les autres secteurs, la moyenne est de plus d’un kilo, bien plus que l’an passé. Mon objectif aujourd’hui est de passer les 40kg. Je sais que si j’arrive à ce résultat je ne serai pas loin du compte et peu importe la pêche que réalisera mon voisin. Pour autant, avoir un voisin de cette trempe permet de comparer son approche et de corriger si besoin. En athlétisme on appelle cela un lièvre.

Dès l’amorçage je remarque que Roberto pêche un peu plus loin que moi. Cela ne m’inquiète pas car sur les places à ma droite tous les lancers sont plus courts. Mais au bout d’une heure de pêche, mon voisin de droite allonge et je me retrouve enfermé. Instantanément les touches diminuent … Sans hésitation je rallonge de quelques mètres afin de me porter à la hauteur de Roberto à 30m de distance. Pour le restant de la manche je me concentre uniquement sur ma pêche laissant Roberto s’échapper… Les touches de ces belles carpes sont ultra violentes et chaque poisson offre un véritable combat qui demande d’employer une force physique démesurée (il faut le vivre pour le croire …). Je termine la manche avec 39 poissons pour une quinzaine de décrochés. C’est plutôt un bon ratio. Objectif atteint 44,771Kg sur la balance. Le reste du secteur est battu. Les places à droite semblaient moins favorables. Vient le tour de mon voisin Roberto qui totalise 45,800 kg … seulement 1,1kg nous sépare … un seul poisson en somme. Je ne suis même pas déçu, simplement heureux d’avoir rivalisé avec un tel pécheur et termine 2eme de ce secteur E.

Classement après la première manche : Secteurs et général.

Jour 2 : La baignade à Almaraz

J’effectue le déplacement avec mon partenaire de club Mickael Letscher (PFC Rodez). Le tirage au sort est adapté à ceux qui comme nous partagent le même véhicule. Nous tirons donc le secteur B de Almaraz qui est isolé et devons y pêcher tous les deux. Le hasard nous placera côte à côte au 13 et 14 dans un secteur déjà très relevé. On y retrouve mon voisin de la veille qui va pêcher pour gagner le Désafio, Roberto Rodriguez, quelques excellents pêcheurs espagnols dans le milieu et à l’aile opposée un autre Français, Christophe Cathelin. Tof a fini 2eme la veille sur le secteur D en capturant un gros silure de plus de 6kg. J’ai plusieurs fois entendu dire de Christophe qu’il était si bon pêcheur qu’il pourrait attraper un requin avec un bout de pain … cette fois c’était un silure avec un grain de maïs … Mickael a souffert à Saucedilla dans le secteur C au poste 28 en terminant 6ème. L’an dernier il avait gagné ce Désafio et aujourd’hui il se retrouve à sauver l’honneur à côté de moi. Ce n’est jamais bon d’être à côté d’un crac en colère.

Le secteur de Almarza est le plus proche de la centrale et l’eau est ici, la plus chaude de tous les secteurs. Les organisateurs s’attendent d’ailleurs aux plus gros scores ici. C’est une baie du lac où les poissons doivent rentrer au fur et à mesure des amorçages. Ce secteur est nouveau pour nous, nous n’avions pas pu le pêcher l’an dernier. La baie est peu profonde et il nous faut nous installer dans l’eau à une bonne dizaine de mètres de la berge pour garantir la bonne santé des poissons conservés dans les bourriches.

L’Espagne : ça vous gagne.

Je suis placé au milieu de cette baie et les bords du secteurs seront forcément dominant étant donné la configuration. L’inconnue reste la présence des poissons au début de la pêche. La veille, les carpes ont mis du temps à rentrer sur certaines places. Je prévois donc deux coups dès l’amorçage, un à 40m dans l’hypothèse où les poissons mettront du temps à arriver sur le coup plus proche à 25m. Durant la phase d’amorçage, je prépare les deux distances avec de grosses cages remplies d’esches, asticots et maïs. Mickael remarque d’emblée que les poissons réagissent sur le coup le plus proche, pour ma part je commence à 40m. Les poissons sont bien présents dès le départ de la manche et rapidement j’abandonne la pêche au loin pour me consacrer à mon coup le plus proche.

Durant 5h nous avons des touches et la manche se résume à une pêche de vitesse de carpes sauvages. Les touches sont rapprochées et interviennent moins d’une minute après que le feeder ai touché le fond. Le combat dure 3 à 4 minutes et est déterminant dans l’obtention d’un bon rendement. Au final après 5h de touches, 5h de combat, je comptabilise 70 poissons environ. 75 pour mon voisin Mickael. Il est logiquement devant avec une meilleure cadence et un temps de combat réduit par rapport à moi. L’écart sur la balance est bien plus important et traduit une différence de taille de poissons. 68,960 kg pour Mika et 55,750 pour moi. Environ 100gr de différence en moyenne par poisson. Difficile d’analyser pourquoi … Roberto Rodriguez devance Mika de moins d’un kilo pour une deuxième victoire de secteur en deux jours. Christophe Cathelin subit la loi de Roberto (comme nous tous) et termine 4eme de secteur. Je finis 5ème plutôt déçu d’être autant distancé au poids.

Jonathan Trainel 2eme et premier Français.

Roberto Rodriguez remporte le Sensas Desafio Feeder 2023 avec deux points pour deux victoires de secteurs et 115,210 Kg au total. Il n’est pas le seul à gagner les deux manches. A égalité le français Jonathan Trainel termine deuxième de ce Désafio avec un poids inférieur de 111,710 kg. Une belle performance qui aurait très bien pu lui adjuger la victoire mais c’est ainsi en pêche de compétition. Il succède donc à Mickael Letscher comme meilleur Français de cette épreuve. Christophe Cathelin se classe 7eme et je suis 3eme Français à la 11eme place avec un total de 100,521 kg. Mickael est 14eme, juste derrière l’ami Robert Ragus.
Cette 11eme place sur les 52 participants est une satisfaction et représente une belle progression après les difficultés rencontrées l’an dernier.

Merci aux organisateurs de ce Désafio Angel et Roberto Rodriguez de Sensas Espagne. Merci à mon coéquipier Mickael Letscher avec qui c’est toujours un plaisir de passer du temps et de préparer de telles échéances. Les voyages forgent aussi les amitiés. Merci à Maxime Guyer de Sensas France qui s’est occupé de l’intendance pour le clan Français de ce Désafio. Merci aux Français, Anglais, Italien et Belge, avec qui nous avons passé de si bons moments pendant ces 5 jours en Espagne : Chrystelle, Giselle, Cédric, Benoit, Gilbert, Fabrice, Lucio, Robert, Jonathan, Maxime, Elie et Christophe.

Rendez-vous l’an prochain pour cette parenthèse hivernale, complètement dingue !